Des chaussures plus épaisses pour plus d’amorti ?
La course à pied est le sport à la mode depuis plusieurs années avec de plus en plus de personnes la pratiquant. Cependant chaque année, 37 à 56% des coureurs ont des blessures1, souvent associées à l’impact du pied contre le sol. Les fabricants de chaussures ont donc crée des chaussures avec une semelle plus épaisse pour amortir le choc du talon contre le sol. Ces chaussures maximalistes, a contrario des minimalistes qui disposent d’une semelle très fine, proposent une semelle très épaisse. Mais ces chaussures apportent-elles une différence ?
Cet article a été inspiré d’une étude2 sur l’impact des chaussures maximalistes publiée dans la revue Nature. Si vous êtes anglophone, je vous invite à lire l’article original.
UN ZOOM SUR L’IMPACT
Tout le problème de la course à pied réside dans le fait qu’il s’agit de multiples sauts les uns à la suite des autres. Ces sauts amènent forcement un atterrissage au sol plus ou moins bien amorti en fonction de différents paramètres.
Voyons comment se passe notre réception au sol:
Ici nous touchons le sol, on parle de « Impact peak » ou pic d’impact. C’est l’instant du premier contact. Ici l’amorti sera différent si vous « attaquez » avec le talon, avec le milieu ou l’avant du pied.
Suite au pic d’impact, nous allons sous l’effet du poids plier le genou et amortir le choc tout en emmagasinant l’énergie. On peut comparer la jambe à un ressort que l’on compresse. Cette étape est l’ »Impact load » ou chargement de l’impact.
Nous allons par la suite préparer le pas suivant en restituant l’énergie emmagasinée précédemment en poussant sur la jambe. C’est la propulsion.
UN AMORTI LIMITÉ
En magasin, lorsque l’on voit les chaussures maximalistes, on se dit que l’amorti doit être d’autant plus grand que la semelle est épaisse. Pourtant plusieurs études3,4 montrent que les chaussures maximalistes ne diminuent pas le risque de blessures lors de la course à pied. En réalité, il semblerait qu’elles n’ont qu’un effet limité sur la diminution de l’impact du pied au sol5. De plus il semblerait que rajouter de l’épaisseur avec une semelle par exemple n’éloigne pas des blessures6.
Une étude7 a comparé des chaussures maximalistes à des chaussures neutres sur 15 personnes lors d’une course de 5 km. Lorsque les chaussures maximalistes ont été porté, la charge subit lors de l’impact ainsi que la force de l’impact ont été supérieure à des chaussures neutres. Cette augmentation a également été constaté dans une autre étude5 notamment lors de la course en pied en descente.
Et ce résultat est surprenant, on ne s’attend pas à avoir moins d’amorti en rajoutant des coussinets adaptés pour amortir.
ADAPTATION À LA SURFACE
Une étude2 publiée dans la revue nature et dont je m’inspire pour créer cet article à chercher à vérifier et à comprendre ce phénomène. Ils’agirait d’un phénomène d’adaptation à la surface qui provoque des réactions dans notre corps.
Des études 8,9 montrent que nos jambes s’adaptent à la surface sur laquelle nous courons. Cela semble logique que notre corps va réagir différemment en fonction de la surface mais comment ?
Pour résumer, plus la surface est molle, plus nos muscles se contractent pour rigidifier la jambe. Cette observation a été faite pour le sol mais aussi pour les chaussures. Lorsque nous portons des chaussures avec une semelle épaisse, la surface sur laquelle notre pied appui est plus molle qu’avec des chaussures basiques et ce peut importe que vous courez sur du béton ou dans l’herbe.
Cette augmentation de la rigidité diminue la compression (que nous avons vu dans l’étape 2) subit lors de la pose de la jambe. L’effet ressort est donc moins utilisé vu qu’on le compresse moins. Ce changement de compression peut donc annuler le bénéfice d’une épaisseur supplémentaire au niveau des chaussures.
Les coussinets ajoutent bel et bien un amorti supplémentaire mais diminue en contrepartie la compression(effet ressort) subit lors de la pose du pied.
LA FIN DES MAXIMALISTES ?
Pas vraiment. L’étude2 montre que les différences de compression et de force d’impact deviennent plus important lorsque la vitesse de course est élevée. Si vous courez à moins de 10 km/h, les différences entre des chaussures maximalistes et neutre s’estompent. Par contre, dès que vous êtes au dessus, les chaussures maximalistes semblent accroître l’impact au sol et la rigidité de la jambe.
Sources
- 1.van Mechelen W. Running Injuries. Sports Medicine. November 1992:320-335. doi:10.2165/00007256-199214050-00004
- 2.Kulmala J-P, Kosonen J, Nurminen J, Avela J. Running in highly cushioned shoes increases leg stiffness and amplifies impact loading. Sci Rep. November 2018. doi:10.1038/s41598-018-35980-6
- 3.Richards CE, Magin PJ, Callister R. Is your prescription of distance running shoes evidence-based? British Journal of Sports Medicine. March 2009:159-162. doi:10.1136/bjsm.2008.046680
- 4.Theisen D, Malisoux L, Genin J, Delattre N, Seil R, Urhausen A. Influence of midsole hardness of standard cushioned shoes on running-related injury risk. Br J Sports Med. September 2013:371-376. doi:10.1136/bjsports-2013-092613
- 5.Chan ZYS, Au IPH, Lau FOY, Ching ECK, Zhang JH, Cheung RTH. Does maximalist footwear lower impact loading during level ground and downhill running? European Journal of Sport Science. May 2018:1083-1089. doi:10.1080/17461391.2018.1472298
- 6.Bonanno DR, Landorf KB, Munteanu SE, Murley GS, Menz HB. Effectiveness of foot orthoses and shock-absorbing insoles for the prevention of injury: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. December 2016:86-96. doi:10.1136/bjsports-2016-096671
- 7.Pollard CD, Ter Har JA, Hannigan JJ, Norcross MF. Influence of Maximal Running Shoes on Biomechanics Before and After a 5K Run. Orthopaedic Journal of Sports Medicine. June 2018:232596711877572. doi:10.1177/2325967118775720
- 8.Kerdok AE, Biewener AA, McMahon TA, Weyand PG, Herr HM. Energetics and mechanics of human running on surfaces of different stiffnesses. Journal of Applied Physiology. February 2002:469-478. doi:10.1152/japplphysiol.01164.2000
- 9.Ferris DP, Louie M, Farley CT. Running in the real world: adjusting leg stiffness for different surfaces. Proceedings of the Royal Society of London Series B: Biological Sciences. June 1998:989-994. doi:10.1098/rspb.1998.0388